T’as où les vignes ?
Modernisation du vignoble, une démarche participative pour bien cerner tous les enjeux
Le canton du Valais veut soutenir la modernisation du vignoble à coups de millions, qui au final proviendront essentiellement des propriétaires ou des exploitants (96 millions). Pas de nouvelles mesures phares mais une volonté de faire bouger les lignes par incitation financière.
On peut se demander quelles sont les implications de ce projet à long terme pour la commune de Fully. D’abord, il faudrait une vision et des objectifs communs entre agriculture et ses partenaires pour en déduire une série d’actions cohérentes et solides. Un processus de démarche participative devrait accompagner le projet sur Fully. Sans un accord commun entre agriculture et citoyens, il serait irréfléchi d’engager de tels moyens financiers. En effet, un remaniement parcellaire implique une large tranche de la société comme les propriétaires, les viticulteurs, les exploitants, les ouvriers, les visiteurs et bien sûr les citoyens (la commune devra participer financièrement). Un remaniement parcellaire aujourd’hui est plus à concevoir comme un aménagement du territoire qu’un échange de parcelles. A Savièse, la Commune s’est fortement impliquée pour mener à bien ce type de projet. Fully doit suivre cet exemple.
Pour la modernisation du vignoble de Fully, les enjeux sont multiples et divers. Trouver une conciliation entre les intérêts économiques des uns, sociaux et environnementaux des autres est un défi colossal.
Cependant, j’y vois l’opportunité de redessiner le vignoble entre agriculture, nature et l’homme. Remanier en rasant pour engendrer d’immense bloc de monoculture intensive n’est plus d’actualité et ce sera encore moins la norme dans le futur. Le maillage entre agriculture, services publics et nature doivent être finement repenser. Dans le coteau de Fully, des espèces disparaissent comme les papillons mélitée de la linaire et l’azuré du baguenaudier. Le service forestier inter-communal l’a bien compris puisqu’il propose dans son assortiment des arbustes hôtes du mélitée. Cet engagement du service public est à saluer et à renforcer.
De nouveaux modes de cultures émergent, permaculture, ceps alignés suivant les lignes de niveaux, récupération et ruissellement de l’eau, vitiforesterie, cultures alternatives… Autant de nouvelles conceptions à éprouver et faciliter, voire inciter.
L’Etat propose que les guérites se transforment en buvette. Toutes certainement pas. Car comment gérer simplement leur accès, les déchets et les besoins naturels des visiteurs? Un concept de mobilité douce y est plus que nécessaire. Un oeno-tourisme qui se moque de ses impacts n’est pas souhaité. Mais pour cela, par exemple, à quand des chemins du vignoble dignes de ce nom, i.e où le marcheur ne risque pas de se couvrir de sulfate ? Les enfants, plus proches du sol et du végétal, sont les plus vulnérables selon les derniers relevés de la station de recherches d’Agroscope. Une vision globale de l’aménagement en intégrant les hauts de Fully est à garder en tête.
La gestion des ressources est également au cœur du projet. L’eau devient une denrée de plus en plus disputée. Une séparation des réseaux d’eau potable et d’irrigation est une nécessité et un sacré défi. L’enherbement du sol pour garder précieusement l’eau et éviter une érosion brutale que l’on redoute car les épisodes pluvieux deviennent de plus en plus intenses, s’impose. Mais le passage à ce mode de couverture nécessite soutien et incitation.
L’engagement de la commune sera crucial pour accompagner l’ensemble des intéressés, conduire les échanges, arbitrer les divergences, rappeler les objectifs, inciter financièrement, stimuler les bonnes pratiques, faire le lien avec le canton et la Confédération et j’en passe. Gouverner c’est prévoir. Le politique doit plus que jamais s’engager aux côtés des exploitants/propriétaires et mener ensemble ce projet à bon port.
Les prochaines années demanderont courage et abnégation pour que l’agriculture continue à se développer tout en se consolidant. Ainsi le citoyen pourra continuer de vivre en harmonie avec son secteur primaire.
Léonard Dorsaz, 2024